dimanche 13 juin 2010

Retour en France et retour à la réalité

Voilà, l'expé et le voyage est terminé, place au jet lag et son rythme du sommeil imposé. Il va falloir faire vite pour se remettre dans le bain. La saison va commencer et il va falloir la rendre la plus productive possible pour pouvoir repartir vers de nouvelles aventures.
J'en profite alors pour me faire un peu de pub. Si vous voulez faire une course, progresser en escalade, vous initier à l'artif, partir sur une grande voie rocheuses sur plusieurs jours, apprendre la logistique de grande courses ou si vous connaissez des amis cherchant un guide, contactez moi ou donnez leur mon numéro.

Au retour d'un big wall de 10 jours en Patagonie, 2009

En ce moment seul la météo est un frein pour l'alpinisme car les conditions sont là ...et elles sont très bonnes.
Je vous rappel mon numéros 06 81 31 38 39, passez l'info.

mardi 8 juin 2010

Le Denali par la voie normale, une expé qui aurait pu encore mieux finir...

Après notre premier objectif atteint avec le Mont Hunter nous devions aller nous acclimater pour gravir une voie en face sud du Denali, la "Direct Slovak" ou encore nommé la "Direct Tchèque" (il s'agit du même tracé).

Déjà en milieu d'expé nous avons dû nous résoudre au fait que nous ne pouvions y aller, car le début de la voie était complètement sec sur 600 mètres à vue d'œil. Alors, on s'était dit que nous irions sur "L'éperon Cassin", une ligne exceptionnelle, bien qu'un cran en dessous du projet initial.

 

Vue du camp de base (2200m) sur la face sud du Denali et l'éperon Cassin au centre, Tout ces petits fanions sont du matos enterré en dessous laissé par des groupes partis sur la voie normale du Denali 

Mais notre premier objectif c'est fait un peu attendre à cause de plusieurs jours de mauvais temps et lorsque nous sommes partis, la voie en poche en 48h non-stop, après seulement 2 jours de repos, il ne nous restait qu'une dizaines de jours pour finir de nous acclimater sur la voie normale du Denali ("West Buttress") et faire la croix de la face sud.
Nous sommes donc partis vite, pour essayer de rattraper le temps perdu, à fond comme d'hab.
Il faut normalement 2 à 3 semaines à un alpiniste standard pour rejoindre le sommet du Denali par la voie normale, et encore, seulement 50% des inscrits y parviennent.
 Le départ avec nos vivres pour 10/12 jours, les pulkas sont bien ficelées, ça va bourriner sévère.

Tout d'abord, il faut acheminer la nourriture au camp de base vers 4400m, parcourir les 17 kilomètres et s'acclimater suffisamment pour être à l'abri des MAM (Mal Aiguës des Montagnes). Nous n'allons mettre que 3 jours, en nous défonçant le dos et les jambes. 

 Sur le plat, c'est dément, mais dès que ça monte, c'est mutant lourd, mes hanches s'en souviennent encore.

On accuse le coup du non stop, des pulkas lourdes et de notre non expérience quant à leur maniement. Là encore on apprend, encore et toujours en expé ! Mais tout ceci va se faire par un incroyable beau temps, du jamais vu, cela dure depuis une semaine.
On apprend à construire un bon campement à l'aide de scie à neige pour hériger un mur protecteur avec des cubes de neige.

 Le CB vers 4400m et ses murs de neiges.

Le temps de nous remettre un minimum sur pied, nous rejoignons finalement le sommet du Denali 4 jours après notre arrivé au CB, soit en tout une semaine après être partis de notre ancien CB vers 2200m, et il fait toujours beau !

Voilà avec quoi on a mangé durant 10 jours, attention c'est très bon malgré l'aspect.

Je ne vous cache pas que nous étions heureux d'être déjà arrivés au sommet de cette mythique montagne d'Amérique du nord, sont point culminant. 

 Un belvédère à 5 minutes du CB, sympa, non !?

La montée c'est déroulée normalement, en 2 jours, pour bien fignoler notre acclim.
Premier jour on part vers midi avec nos 2 sacs de 40 litres North Face bien pleins, mais légers. Petite tente, duvet, lyoph, réchaud et vêtements chauds, le stricte nécessaire. On rattrape assez vite la horde des "touristes" de la voie normale, chargés comme des mules, s'apprêtant à assiéger la montagne pour plusieurs jours. 

 Ah la queue leu leu ... horrible vision n'est-ce pas ?


Nous, nous venons quand même de passer plus de 3 semaines à monter descendre, à droite à gauche, certes, plus bas mais cela compte pour l'acclimatation.
On se retrouve au niveau des cordes statiques, eh oui, les rangers, au vu du nombre des candidats et surtout de leur inexpérience, ont installé des cordes fixes sur 150m de déniv dans une section à 50° en glace, pour éviter les accidents et faciliter le travail des guides américains qui ont souvent 3 clients sur leur cordées.
Alors, ça bouchonne sévère au pieds des stats. On décide de doubler tout le monde, à côté, en solo, en mode bi-pointe. Le rythme cardiaque d'un coup s'accélère, normal on est proche des 5000m d'altitude.
A la fin des stats on arrive à un petit col, d'où part une arête qui rejoint directement le dernier camp vers 5300m. 

 Ben remonte l'arête qui débouche sur le dernier camp

On file dessus directement, après s'être hydratés et avoir enfilé le masque. L'arête est étonnamment vertigineuse et le rocher n'est pas très loin, ce qui lui donne un certain charme, la "marche" est très esthétique. D'ailleurs des pieux à neige y sont installés tout les 20 mètres pour sécuriser la progression, même utilité que tout à l'heure (merci les rangers).
Cette journée nous avons pris la corde mais elle ne nous à pas été nécessaire, du coup en 3 heures nous avons atteint ce dernier camp. 

Un changement de roche étonnant 30m avant le plateau au niveau du camp 5 vers 5200m

Nous nous installons, avec le luxe de pouvoir choisir le meilleur emplacement, déjà aménagé de murs de neige et d'un sol bien plat. En quelques heures le camp se rempli, de tous ceux que nous avons doublé à la mi journée. 

On lui demande pas d'être confortable mais juste légère et pour ça il n'y a pas mieux

Du camp la vue est superbe sur la vallée, nous en profitons pour faire le plein de clichés.

Un petit promontoire juste à côté du camp nous offre une vue bien sympathique, à ns pieds le CB.

Le vent se lève durant le repas, nous nous réfugions dans notre micro tente de 1 kg. Il est 19h00 quand nous essayons de nous endormir. On sent que l'on est plus haut en altitude, car le sommeil est très difficile à trouver. D'ailleurs nous n'allons dormir que quelques heures cette nuit en passant notre temps à tourner en rond dans nos sacs de couchage. Jusqu'à ce que Ben craque vers 6h00 du matin et sorte de la tente pour préparer le petit déjeuner.
Au départ nous voulions dormir jusqu'à 8h00 et partir vers 9h-9h30, pour attendre le soleil si confortable et agréable au lever. Mais la lassitude et l'énervement dus à l'insomnie ont pris le dessus sur la froideur et l'ombre qui régnait au camp ce matin. Du coup ont se prépare vite, on rempli les thermos et à 7h20 on est partis. 

 "Denali Pass" vers 5600m

Le camp est silencieux, nous avons honte à l'idée de réveiller des alpinistes endormis, mais au moins on sera seul aujourd'hui pour savourer ce sommet. La montée jusqu'à celui-ci sera tranquille, en 4 heures, mais à chaque petite côte le rythme se ralentit, mais nous prenons notre vitesse de croisière et évitons de trop nous arrêter.

 Le sommet est en vue, sa souffle un peu.

D'ailleurs, grâce à la technique que nous avons utilisée au Mont Hunter pour boire, on ne s'arrête pas souvent. On à enfilé un Camelbag de 2 litres de contenance directement sur les premières couches de vêtements, près du corps, ce qui maintient le contenu toujours liquide (merci Stéph Benoist).
La dernière montée, avant l'arête finale, sera la plus éprouvante au niveau du souffle et nous arriverons haletants au sommet de l'Amérique du nord, 6193 m. 

 Sur l'arête finale à quelques mètres du sommet

Un nuage orographique (cf définition en-bas *) va nous empêcher d'admirer le panorama qui s'étend désormais à nos pieds, nous essayons vainement d'attendre une demi heure mais rien n'y changera. Pourtant on apercevait une immense mer de nuages vers 4000m qui remplissait les vallées. 

  Voilà ce qu'on a loupé au sommet, une mer de nuage démentielle.

Nous redescendons et presque arrivés au camp, nous croisons les premiers alpinistes qui montent, ils sont interloqués par le fait que nous redescendions déjà, ils nous posent même des questions quand à notre possible arrivée au sommet !? 

Le sceau au sommet du Denali apposé par des scientifique lors du calcul de son altitude

On enchaîne la descente au camp de base après s'être vite restauré. Nous nous surprenons à rire du fait que nous sommes déjà bien au chaud dans nos duvets au CB, alors qu'il ne doivent que tout juste arriver au sommet. Un petit mal de crâne nous gêne, mais je crois que l'acclimatation est terminée. Place à la suite des évènements, on l'espère.
Il nous faut à présent au moins un jour de repos et une fenêtre météo clémente de 48 heures, pile poil le temps qui nous est normalement impartit avant le vol retour vers la civilisation. 
Il faut savoir que la météo en Alaska est très changeante et les prévisions difficiles. On a pu s'en rendre compte durant ce mois sur le glacier. 

 Il ne fait pas très beau sur le Mont Foraker ... Vue du CB (4400m)

Tous les jours nous allions demander aux rangers ce qu'il en était au niveau météo. Une fois sur deux c'était ce qu'ils avaient prévu, les autres fois, soit les perturbations étaient en avance, soit c'était archi faux. Difficile alors de partir serein dans des gros chantiers.
Arrivés au CB après la voie normale, il faisait encore très beau hallucinant, 10 jours consécutifs de beau ! La météo prévue est encore pas mal, pour au moins 2 jours, on se dit alors demain repos, car de toutes façons ce qui nous attend l'exige. Et puis banzai pour le sur lendemain en courant de journée pour au minimum 30 à 48 heures.
Sauf que le lendemain, la météo change, nous décidons d'attendre l'évolution sur une journée de plus, et voir si la pression remonte un peu. Il ne nous faut  surtout pas de chute de neige. Il faut savoir que 5 cm de neige sur une face de 3000m : la petite coulée qui part du haut se transforme en bas en avalanche digne de se nom. De toutes façons on a un peu de marge sur le retour en ville par avion, on peut gratter 2 à 3 jours, on aura un peu moins de temps pour visiter l'Alaska...

Le lendemain, ce qui devait arriver arriva : il neige et la météo des rangers annonce une perturbation dès demain, puis l'apocalypse pour le surlendemain (50cm de neige et du vent) et annonce même sur le tableau "LIKEKY NUCLEAR, ANCHOR IS ALL DOWN" (= accrocher bien les tentes). 

 Tous aux abbris !!!

Dans nos têtes, il ne reste plus de doute quant à l'avortement de la suite de notre projet. On a ensuite confirmation de ces prévisions par un routeur météo de Chamonix, grâce à une autre expé de français. Notre but désormais est de retourner le plus vite possible au CB à 2200m pour pouvoir prendre l'avion avant que la tempête arrive, car on peut facilement attendre un avion-taxi plus de 3 jours quand une grosse perturbation fais rage. On espère partir demain matin car pour l'instant il neige à gros flocons, ranger maintenant serait trop chiant, avec toute cette neige qui tombe. 
Le lendemain 20cm de neige ! mais il fait assez beau pour nous permettre de tout rempaqueter et ficeler sur les pulkas. Un grand chapitre s'annonce pour aujourd'hui, la descente avec nos "ski" si on peut appeler ça des skis. Ceux de Ben doivent faire un mètre à tout casser mais ils sont larges, les miens sont des reliques quand j'ai débuté le ski de rando au lycée, il y a 13 ans, des dynamic orange fluo, 70 au patin (donc partout !) que j'ai amputés pour les raccourcir à 1m30, un vrai régal. On a pas arrêté de réfléchir : comment va-t-on faire pour descendre dans les dévers et les côtes avec les pulka ? surtout avec nos chaussures l'alpinisme (souuuuuuuple !). Les premières descentes sont catastrophiques, on décide même de marcher en crampons plutôt que de skier, ensuite on commence à apprivoiser les bêtes, pulkas et skis. Ensuite cela devient même très amusant, quoi qu'un poil dangereux, au vu de la vitesse et de la non maîtrise des techniques de freinage...

 Une bonne technique avec la pulka en laisse entre les jambes.

On va finalement rejoindre le CB sur le Kahiltna glacier au bout de 4h00 de glissade et une petite remontée quand même à la fin.
A partir de là, ça se goupille nickel, un orage fait des siennes entre nous et le CB mais une pilote c'est aventurée jusqu'ici, 10 minutes après notre arrivée. On charge tout dans l'avion et on décolle immédiatement pour Talkeetna notre point de départ. 

 Sale, moi !

Pour un retour rapide, ça s'en était un. 

 Belle orage, mais sympa quand même la vue de l'avion ...

Je vous laisse imaginer la suite, hamburger géant, bières et toutes les petites joies qui font que l'on est bien, après 30 jours dans la neige.
Voilà notre expé s'arrête là mais notre esprit est à nouveau plein d'images et encore quelques rêves qui sont désormais réalisés, mais bien d'autres sont nés durant ce voyage.
Ah c'est dure les expés, ça n'arrange rien avec les copines et le désirs de repartir à nouveau.

La bise à tous c'était vraiment énorme l'Alaska en 2010.

Merci à tous et plus particulièrement à :
- ma maman qui à retranscris mes propos par téléphone satellite
- Petzl, qui à été le premier à me suivre
- Béal
- Montura
- Bourse Expé 2010 et ses partenaires : CAFF, Expé, North Face, Petzl, Montagne Mag,... 
- Julbo
- Tous ceux qui nous ont envoyé des SMS sur le tel sat
- Le V-Crew pour l'ambiance au camp de base
- et Cécile qui m'aide à supporter le mauvais temps en toutes circonstances

A la prochaine, continuez à me suivre, je ne vous décevrai pas ...


* Ces nuages se forment lors du franchissement du relief par un flux d'air assez fort et stable. A l'approche du relief la particule est soulevée (l'altitude augmente), donc la pression va diminuer de même que la température. L'humidité augmente alors et l'on assiste à la formation du nuage orographique.

mercredi 2 juin 2010

Première expérience du mode non-stop avec l'ascension de "Moonflower Butress"


Récit de la voie comme si vous y étiez ! (suivez le récit à l'aide du topo)
35 longueurs, 1300m, grade 6 = cotation Alaska (sur 6), 5.8, A2, M5,AI 6 (cotation glace) + 700m pour atteindre le sommet.

Topo de "Mooflower Buttress"

Départ lundi 17 mai à 7h30 de la tente du camp de base. On suit les traces de pieds des 2 anglais partis plus tôt. Arrivée au pied de la face, ils sont dans L4.

Ben en corde tendue après la rimaye

On passe la rimaye à 9h30 et c'est parti pour 35h30 jusqu'au sommet. Ben avale les 4 premières longueurs en corde tendue (1h30). On a déjà rejoint les anglais ! Pendant 3 longueurs on grimpera en dessous, puis à coté d'eux dans les "twin runnels", une sorte de goulottes parallèles.

Dans la 2ème longueur des "Twin Runnels"

On en profite pour les doubler avant la 1ère longueur clef "The Prow". On apprendra au retour qu'après une nuit vers R14 ils ont battu en retraite à cause de gelures aux doigts. Un des 2 anglais n'avait pris qu'une seule paire de gants, les beignets !!!
Fred dans "The Prow" (L8)

Cette longueur est en A1 puis A2. Je vais la faire entièrement en libre avec une fuite en avant de 6/7 mètres sans protections.
Dans la longueur au niveau du dernier point je me suis dit soit je débranche le cerveau et je file sur la fine couche de glace, soit je fais de l'artif en cassant celle-ci et plaçant des protections dans la fissure bouchée par la glace. Finalement après 2 secondes de réflexion et 10 minutes de terreur, je suis passé avec la première méthode, non sans mal (grade 6 en glace).
R8 après 4h00 d'ascension. Ben prends la suite sur 2 grandes longueurs en commençant par un pendule pour rejoindre une belle goulotte, grade 4+/5. Je fais L11, "Tamara's traverse", c'est 35 m de trav. à 80° qu'il faut nettoyer, sous la neige c'est que de la caillasse dégeu, une heure en tout pour en venir à bout. Ça fait 8h30 que l'on est partis.
Fred dans Tamara's traverse (L11)

On fait 3 longueurs en corde tendue sur la première bande de neige et on arrive à R15 sous l'énorme champignon de neige-glace. Ben va se faire plaisir avec un petit passage en M5.

Ben sous le méga champignon de L16

Il fait relais au pied de "The Shaft". C'est le 2ème passage clé de la voie. C'est une fine goulotte de 3 longueurs en grade 6 . Dans la 1ere longueur, la plus dure, il y a un bouchon de neige tout en haut. J'ai du nettoyer le bouchon puis passer le dévers en tapant à l'aveuglette au dessus du petit toit.

L17 Fred dans la longueur clef de "The Shaft" avec le bouffon de neige en haut

Une fois passé cela on grimpe plus détendus, on sait que l'on a fait le plus technique.
On arrive sur la 2eme bande de neige après 14h00 d'ascension, on décide de faire notre 1ere pause, on est éclatés mais contents, R19. On pensait s'arrêter 2 heures, mais on va finalement rester 5 heures car le jetboil, notre réchaud, fonctionne au ralenti. On a besoin de faire 6 litres pour remplir les camel bags, le thermos et pour les lyophilisés. Et aussi, pendant cette pause on s'endort à moitié.

Le mont Foraker lors de la première pause vers minuit Relais 19

On repart un peu requinqué, il est 4h00 du mat. Il n'a jamais fais nuit noire, limite pas besoin de frontale. On avait une Tikka XP chacun et cela suffisait largement. Ben va se charger de la longueur avec 3 pendules et de l'A2, "The Vision", il libère la partie en A2.
A 9h00 du mat on commence en corde tendue la 3eme bande de neige ça fait 24h00 que l'on a passé la rimaye. On commence à être fatigués et le rythme de progression s'en fait sentir. Heureusement, il ne nous reste que 2 longueurs grimpantes, une en grade 4 et une autre en M5, Ben se chargera de cette dernière. Pour ma part, je ne me sens pas en état de faire une longueur technique. Je m'endors même, en assurant Ben ! Cette 29ème longueur en M5, c'est une offwidth et au fond il y a de la glace, ce qui rend la grimpe déversante...


Ben dans L20 après la première pause

Il est midi quand on arrive sur la dernière bande de neige qui mène au sommet de la voie sur une corniche. Ça fait 27h00 non stop qu'on est partis. Je repasse en tête pour 3 longueurs et demie en corde tendue.


Dans la dernière bande de neige L30-33, le vent souffle au dessus de la corniche

On avance au ralenti. On met 3h00 pour faire ces longueurs en neige à 50°, au secours ! On fait une pause sous les rochers avant la corniche. Pendant 1h15, le temps de manger un lyoph et boire un coup. On est en plein soleil c'est cool. Mais au dessus de nous le vent souffle fort et des spindrifts nous mouillent toutes les 5-10 minutes.
On repart vers 16h pour le sommet de la voie, le vent c'est calmé, on a de la chance. 1 heure après nous sommes sortis de Mooflower Butress après 31h30 d'ascension.
Juste après le sommet de la voie, vers la corniche

On est contents mais il reste à aller au sommet du Mont Hunter et redescendre aussi la longue arête ouest de 7 km. Heureusement les conditions d'enneigement sont avec nous. Après les 5 jours de mauvais et de neige, on pensait que l'on allait brasser jusqu'à la taille, mais le vent à tout soufflé et l'on marche sur de la neige dure sculptée par le vent, dément...


Après le sommet de la voie, on est sur le chemin du sommet ; la neige est toute soufflée

On met 4 heures pour aller au sommet 700m plus haut. Il s'agit, la plupart du temps, de marche, il y a juste 2 sections où il faut regrimper avec les engins, max 60°. A 21h00 nous sommes au sommet du Mont Hunter, 35h30 après avoir commencé. On a réussi.


35h30 après le passage de la rimaye au sommet du Mont Hunter

Une nappe de brume nous envahi, cela ne nous arrange pas car on ne connaît pas la descente. finalement ça ce découvre et on file en bas, pour 12h30 de descente !!!


Une partie de la descente ...

A minuit et demie on se fait une dernière pause sur l'arête pendant 1h30, on en profite pour faire un micro sommeil d'une demi heure. Heureusement à partir de là , à notre grande surprise toute la suite de l'arête est jalonnée par des fanions, résultats d'expé antérieures.On redémarre donc vers 2h00 du mat pour cette interminable arête effilée, cornichée et crevassée. On est exténués mais ça passe toujours mieux lorsque l'on descend.


Dans la traversée de l'arête, il faut rester vigilants.


On atteint le glacier vers 8h30, on a réussi à prendre un raccourci qui nous a fait gagner peut-être plus d'un kilomètre d'arête. Par contre nous avons fait un rappel entouré de séracs et traversé un glacier bien crevassé avec des ponts hallucinants. (pas de photos, trop pressés à cause du danger)
Nos pieds sont extrêmement douloureux car à l'intérieur des chaussures, c'est ambiance tropicale. Chaque pas est un supplice de brûlure et il nous faut rejoindre le CB.
A 10h00 le cauchemar s'arrête nous sommes épuisés et nous nous écroulons dans la tente après plus de 48h00, ouf !


Oh! les têtes de zombies ...

Nous sommes conscients d'avoir réalisé notre plus belle ascension, aucune longueur n'est à jeter, tout est extrêmement raide, la difficulté est soutenue et l'engagement omniprésent. Il n'y a pas d'équivalent en France, notre expé est déjà une réussite, quel soulagement.
Après quelques discussions avec les Rangers, nous avons appris que les répétitions de cette voie était déjà peu nombreuses, mais qu'encore moins allaient au sommet (environ 15) et de ceux-là encore moins avait fait la grande boucle par l'arête, surtout en 48 heures !